Nouvelle N° 6
je t’emmène au bois
Bande son : Burzum. Sol Austan, mani Vestan / Mirel Vagner. Mirel Vagner
Francis regarde droit devant lui, sans cligner des yeux. Le soir tombe autour de son pick-up qui roule vite sur la route cabossée. Sur le volant, ses articulations blanchissent par intermittence, en même temps que ses dents se serrent. On devine la crispation de ses doigts, même sous les phalanges déchiquetées, comme après une bagarre. Il roule. Point. Il ne surveille pas le rétroviseur, il ne change pas de vitesse. La quatrième lui permet de conserver une allure constante, un compromis entre l’urgence et l’envie d’éviter l’accident. En quelques minutes, c’est la nuit noire. Elle tombe comme une vérité qu’on aimerait ne pas entendre. Lourde et dense. Aucune voiture ne croise le pick-up sale qui file comme une boule affamée. L’autoradio ne fonctionne pas, seul le bruit du moteur rythme la conduite.
Francis allume une cigarette par une succession de gestes mécaniques, réflexes encodés à force d’habitude. Sortir la clope du paquet posé sur le tableau de bord, d’une main, la porter à ses lèvres. De l’autre, saisir le briquet à côté du paquet sans marque et allumer la clope. Francis ne quitte pas la route des yeux. Toujours pas le moindre clignement des paupières. À peine s’il avale sa salive.
À l’arrière, sur la banquette, deux filles. Ni vraiment assises, ni vraiment allongées. Elles ballottent dans les virages, avec une mollesse passive qui signe leur inconscience. Elles ont l’air jeune. À peine sorties de la primeur adolescente. Il y a une blonde et une brune. Quand on fait attention, on remarque qu’elles ne sont pas seulement assoupies, comme on aurait pu le croire au premier regard. Elles sont effondrées sur les sièges. Leurs poignets sont liés par des cordes. Leurs chevilles également. Des bâillons de tissus leur entourent la bouche. Sous leurs cheveux qui pendent devant leurs yeux, on peut voir des traces de coups. Des bleus. Des gonflements. Sur leurs corps, leurs vêtements sont déchirés, défaits. Aucun doute : elles ont été sauvagement frappées, rouées de coups avec une rage ravageuse. On devine, malgré l’obscurité, quelques traces de sang sur leurs vêtements et leur visage.
Francis conserve sa vitesse constante. Il fume avec régularité, écrasant les mégots dans le cendrier qui déborde.
Sans cesser de fixer la route, il pense à sa fille. La petite blonde, comme disent les copains. Quand elle manque de se noyer, à cinq ans, en glissant dans le lac pendant un feu d’artifice du 14 juillet, récupérée de justesse par le père de sa meilleure amie depuis la maternelle. Quand, à sept ans, elle trouve un chaton blessé devant la boulangerie et pleure pendant trois jours sans discontinuer quand il meurt subitement. Quand, à quatorze ans, elle essaie de faire passer sa première cuite pour une indigestion aux merguez de la fête du village. La petite blonde. Sa petite blonde.
Derrière, une des deux filles semble revenir à elle. Un gémissement sourd emplit l’habitacle du pick-up. La brune bouge difficilement à cause des liens qu’elle semble découvrir avec désolation. Francis la surveille dans le rétroviseur. Il attend l’instant où elle va se redresser, sans prise puisqu’elle est attachée. Il observe. Quand c’est le bon moment, quand sa tête est juste derrière l’appuie-tête, il freine brutalement. Un coup sec, comme si un animal venait juste de traverser la route. La fille se cogne le front, déjà tuméfié. Le choc réveille la douleur des hématomes et la renvoie à son étourdissement. L’autre, la blonde, n’a pas esquissé le moindre geste, le moindre son. Impossible de savoir si elle est prostrée ou réellement inconsciente.
Francis reprend sa vitesse. Pas une expression n’a traversé ses traits quand il a freiné et vu la fille s’assommer. Seul le mouvement de ses yeux entre la route et le rétroviseur indiquait une quelconque communication cérébrale. Quelque part, il n’a pas l’air plus vivant que les deux jeunes filles sur la banquette arrière. Le pick-up suit l’asphalte comme un sinistre météore, et pourtant, il pourrait être immobile, suspendu entre deux espace-temps.
Qui sait, là, ce qui se passe en rase campagne ? Qui pourrait deviner ce qui se joue dans l’obscurité à quelques kilomètres d’un village ? Qui imagine les drames silencieux qui déchirent la nuit ?
Francis est rentré plus tôt ce soir. Il devait revenir des champs autour de vingt-deux heures. Il avait travaillé plus vite que prévu, beaucoup plus même puisqu’il était au bar avec les potes à dix-neuf heures. Après une bière ou deux, ils s’étaient mis à enchaîner les whiskys. On était vendredi, après tout, on pouvait bien se lâcher un peu, en cette saison. Les bonnes femmes étaient au dîner du club de sport, c’était la fête jusqu’à minuit.
Et puis vers vingt heures trente, quand Francis commençait à se dire qu’il était bien fait, et qu’il faudrait rentrer manger un bout, un gars a raconté qu’il avait vu deux nénettes se baigner à poils dans la rivière, après la vieille scierie abandonnée. Là où les jeunes vont fumer en cachette et se rouler des pelles pendant les vacances. Il revenait d’une virée chez un collègue et il avait pris un détour pour dessaouler un peu avant d’arriver chez lui et de se faire hurler dessus par sa femme. Il en jurerait pas, mais elles ressemblaient à la petite de Francis et à sa copine depuis la maternelle. Mais bon, il aurait pas pu reconnaître sa mère s’il l’avait croisée sur ce chemin, alors deux gamines à vingt-trois heures sous la lune, les coquines…
Francis s’est levé sans rien dire. Il n’a pas dit au revoir ni même fini son verre. Il a mis sa veste et il est parti. Il a allumé une cigarette et il a démarré son pick-up. Il est rentré chez lui. Il s’est garé un peu plus bas, et il a fait le reste du chemin à pied. Il ne voulait pas faire de bruit. Il savait que sa fille était à la maison, à réviser avec sa copine. À réviser. Avec sa copine. Sa copine. Sa fille disait sortir avec le fils de l’élagueur, celui qui apprenait le métier avec son père, mais finissait quand même le lycée. Ils allaient au cinéma ensemble et sortaient en boîte le samedi soir.
Francis arrive par le jardin, il entend les voix sur la terrasse. Les voix de sa fille et de sa copine qui parlent en pouffant. Des petites exclamations simultanées. Elles ne l’ont pas entendu. Elles sont assises côte à côte sur les marches, une bouteille de bière entre elles et des cigarettes consumées dans le cendrier. Elles se tiennent la main. Elles se caressent les genoux. Elles se regardent dans les yeux. Un instant, le temps semble s’interrompre, elles ne parlent plus, elles ne rient plus, elles se regardent. Elles se regardent, et d’un mouvement vif, elles se rapprochent l’une de l’autre pour s’embrasser. Puis elles se prennent le visage entre les mains comme pour s’assurer que ni l’une ni l’autre ne peut s’échapper.
Sa copine.
Sa copine.
Sa copine.
Francis enjambe le massif de jonquilles soigneusement entretenu par sa femme et fond sur les deux filles.
Un bond, trois pas de course.
Elles sursautent.
Il faudrait passer la scène au ralenti pour saisir les nuances d’expressions qui se peignent sur les visages. La surprise embarrassée, coupable, des filles quand elles comprennent qu’on les a vues. L’angoisse devant cette silhouette massive dont la fureur déforme les traits. La peur quand elles comprennent qu’il n’y aura pas de cris, pas de demande d’explications, pas de confrontation larmoyante ou colérique.
Il n’y aura pas d’insultes, pas de menaces, pas d’exclusion. Rien pour former un témoignage, rien qui leur demandera de rassembler leur courage et d’affronter l’opprobre familial. Pas de déshonneur ni de rejet, pas de crise de larmes ni de paroles regrettables. Il n’y aura rien qu’elles pourront raconter des années après avec la gorge serrée et des frissons sous la peau.
Francis frappe la brune en premier. Un direct sec qui lui casse l’arête du nez et lui fend les lèvres. Sa fille pousse un cri effrayé, ses yeux s’arrondissent devant la scène qu’elle capte juste avant qu’une gifle donnée avec le tranchant de la main ne lui déboîte la mâchoire. Elle se mord la langue en tombant sur la terrasse, le gout du sang remplace celui des cigarettes dans sa bouche, et la texture des lèvres de sa copine.
Pas le temps de penser, pas le temps d’analyser. Aucun réflexe de survie ne se déclenche, aucune vaine tentative de défense n’est esquissée. Les forces surhumaines qui poussent l’être humain à soulever des voitures, attaquer un ennemi, s’enfuir pour sa survie, ça n’arrive que dans les films. En tout cas pas à deux adolescentes en train de s’embrasser sur les marches d’une véranda, au fin fond d’un village de campagne.
Un coup de pied dans les côtes, un autre dans la tête, à l’une, à l’autre. Valse endiablée qui fait craquer les os et jaillir le sang. Des gifles, parfois. Les réactions se font plus molles, les gémissements s’assourdissent. En quelques secondes, la scène romantique s’est muée en tableau de guerre.
Une guerre intime et sans témoin.
Pas une parole, rien que le bruit sec des coups et les cris étouffés. Pas le temps pour les hurlements ou les appels au secours.
Les halètements rauques de Francis couvrent les râles plaintifs des deux filles par terre. Il pourrait tomber d’un coup, ou faire demi-tour pour aller se saouler à mort dans la grange, là où il garde l’alcool qu’il fabrique avec son copain d’enfance, agriculteur aisé, lui aussi. Même boulot, mêmes passions depuis l’école. Mêmes cuites, mêmes équipes, mêmes gonzesses, au lycée.
Au lycée, quand ils avaient l’âge de sa fille. Sa fille qui voulait être vétérinaire pour sauver les animaux, à quatre ans. Qui partait à vélo pour ramasser des mûres, à six ans. Qui avait toujours les meilleures notes en français et passait son temps dans des bouquins, à treize ans. Qui embrassait une autre fille, à seize ans.
Francis les pousse du bout de sa botte en caoutchouc. Elles geignent, l’une et l’autre, mais ne bougent pas vraiment. Francis fait demi-tour. Il va à l’abri où il range ses outils et son matériel. Il prend des chiffons, des tendeurs de vélo, la grosse ficelle qu’il utilise pour sa barrière en bois, dans le potager, et une longue boîte en métal usé. Il revient vers les filles et leur noue les poignets et les chevilles avec la ficelle. Il passe les tendeurs de vélos autour de leurs bras, pour les obliger à les garder le long du corps. Il leur met les chiffons dans la bouche par pure précaution, au cas où elles reviendraient à elles le temps qu’il aille chercher son pick-up. Il se gare dans l’allée, juste devant la terrasse. Il ne regarde pas le skateboard de sa fille appuyé contre le vélo de sa copine, ni les livres de cours posés au pied des marches.
Il se demande si la récolte sera bonne, s’il pourra faire les foins dans les temps. Il a mis de l’engrais dans le potager, ce matin. L’engrais naturel qu’il fabrique d’après la vieille recette miracle de son grand-père. Il la lui avait apprise quand il avait dix ans, et confié l’entretien d’un petit carré au milieu de son grand potager. Un espace où il avait pu planter ce qu’il voulait, à condition qu’il applique les conseils avisés du vieux. Son grand-père avait le plus beau potager du village, une merveille qui pouvait nourrir trois familles. Sa grand-mère faisait des conserves à n’en plus finir, qu’elle donnait aux voisins. Aujourd’hui, sa fille aurait pu leur conseiller de se faire certifier bio, aux grands-parents, et de vendre dans des épiceries pour touristes, par internet, aussi. Mais Francis est moins doué que son grand-père, et sa fille se fout des conserves. Elle veut écrire des livres et partir à Paris. Faire des études et prendre un appart. Après le bac, elle veut entrer à la Sorbonne et ensuite dans un master de création littéraire. Sa fille veut être une artiste. Elle prendra une coloc avec sa copine, pour limiter les frais, et trouvera un petit job. De la traduction, du baby-sitting, des livraisons pour les restos.
Elle veut se coucher tard et aller dans les bars, boire des verres et se perdre dans la nuit, tomber amoureuse et se faire mal aux genoux, croire à des « jamais » et des « toujours », pleurer au petit matin et rêver de séances de dédicaces. Elle veut devenir grande.
Francis l’installe à l’arrière du pick-up, sur la banquette, à côté de l’autre fille. Il pose la boîte à côté d’une bouteille d’eau entamée et d’un bidon d’essence pour la tondeuse qui traînent là, aux pieds du siège passager et démarre.
Il ne croise personne en traversant le village, tout le monde est quelque part. Au bar, au restaurant, à table, sur sa terrasse, dans son jardin. On est vendredi, il fait bon dehors.
Francis roule encore. La nuit s’est installée, maintenant. On ne voit pas à trois pas quand il emprunte le petit chemin de terre, dans la forêt. Un chemin vers un parking de chasse. Il connaît bien cet endroit, il s’y gare avec les autres, quand c’est la saison de tirer le gibier.
Il laisse les phares allumés.
Il ouvre la porte passager, du côté de la brune qui ne bronche pas. Elle respire vite, le bâillon doit l’étouffer un peu, encore plus avec le nez cassé. Il la porte et la pose devant la voiture, puis il va chercher sa fille. Elle a les yeux ouverts, mais garde le regard baissé, comme pour éviter celui de son père. Elle aussi respire vite, saccadé. Elle a du mal à rester consciente, sa tête ballotte par brefs instants avant de se redresser dans un sursaut.
Francis défait les tendeurs autour de leurs bras.
Sa fille semble se réveiller pour de bon, elle essaie de frapper Francis quand il enlève le tendeur, d’un coup de ses poings attachés, direct dans ses dents. Comme alertée par un signal, sa copine lance ses jambes, attachées elles aussi, dans les côtes de Francis.
Il perd l’équilibre, accroupi on est moins stable. Mais on reste plus fort que deux adolescentes à moitié assommées, attachées et diminuées par la douleur de multiples hématomes et fractures. Francis essuie le sang qui coule de ses lèvres d’un revers de la main. Une gifle à chaque fille suffit à calmer toute volonté de rébellion.
Il les traine une par une sur quelques mètres, jusqu’à un arbre devant. Un bon chêne au tronc massif, mais dont deux tendeurs peuvent faire le tour en serrant deux filles inertes.
Elles semblent inconscientes, deux proies terrassées par un prédateur inconnu, une punition divine surgie du plus profond des enfers. Francis pourrait les laisser là, abandonnées au fond d’une forêt où ne passent que de rares promeneurs, des gardes forestiers, des braconniers. On pourrait les découvrir le lendemain comme dans une semaine. Demain, il serait encore possible de les sauver. Dans une semaine, les chances seraient plus qu’infimes. Elles seraient mortes de soif, au bout de trois jours. Sans doute un peu moins à cause de l’eau évacuée par la transpiration, le sang qui coule. Non, dans une semaine, on trouverait deux cadavres dont la décomposition aurait à peine commencé. Peut-être que des animaux seraient venus commencer à grignoter les corps. Il ne faudrait sans doute pas très longtemps, après, pour que les analyses ADN révèlent qui est à l’origine de ce double assassinat. On remonterait vite la piste jusqu’à lui, aucune chance d’échapper à la justice.
Il n’y a plus rien à faire, plus aucune possibilité de demi-tour et de retour à la routine quotidienne.
Le réveil.
Le café au lait.
Le potager.
Les copains.
La pêche.
Le club de rugby.
Les apéros.
L’entreprise.
Les économies.
On ne peut plus revenir en arrière. Francis est coupable de coups et blessures volontaires et de non-assistance à personnes en danger voire de mise en danger de la vie d’autrui. Il est déjà condamné.
Alors, quoi ?
Puisque la sentence est déjà tombée, la loi ne peut plus opérer. En perdant sa liberté, le condamné gagne tous les droits.
Francis a déjà tué les deux jeunes filles. Il est déjà bon pour la perpétuité. Il n’est plus un homme libre, il est un criminel.
Qu’il les achève de ses propres mains ou qu’il les laisse attachées là, il les a assassinées.
Il pourrait encore appeler les secours, encore tenter de les sauver en se dénonçant. Il plaiderait la crise de folie, ça marche bien, ça. Il inventerait un traumatisme d’enfance pour justifier son passage à l’acte. Son portable est dans sa poche, il le sent vibrer.
Sans doute des appels et des messages de sa femme qui s’étonne de ne pas le trouver à la maison, qui s’inquiète des traces de sang sur la terrasse et du désordre au pied des marches. Elle va peut-être appeler la police.
Il a détruit tellement de vies en quelques heures. Il est devenu un monstre qui brise des familles. Presque tout un village, puisque tout le monde se connait un peu. Un drame familial touche par rebond des dizaines de personnes. C’est fou, cette interdépendance.
Personne n’est encore au courant de ce qui s’est passé et pourtant, chaque individu est déjà atteint par le traumatisme, à des degrés différents.
Et Francis est le seul à savoir ça. À savoir qu’il vient de devenir un reportage sur France 2, une enquête de Paris Match, une vedette honteuse, mais une vedette quand même. On va parler de lui à la télévision, dans les journaux, aux comptoirs des bistrots. Des enquêteurs vont émettre des hypothèses, des journalistes vont essayer de tout découvrir sur lui, des psychanalystes vont se pencher sur son cas.
Est-ce qu’il buvait, est-ce qu’il se droguait, est-ce qu’il était violent, est-ce qu’il avait une maîtresse, est-ce qu’il avait été abusé par le curé ou par un oncle, est-ce qu’il payait ses factures dans les temps, est-ce qu’il avait violé ses victimes. Oui, parce que ça serait différent, bien sûr.
Est-ce qu’on fait ça, quelque part, de violer une fille qu’on vient de rouer de coups et d’attacher à un arbre en pleine forêt, de violer sa propre fille à qui on a fait subir le même sort ? Sans doute ce genre de pratique que seul l’être humain est capable d’inventer est-elle en vigueur quelque part.
Mais Francis n’est pas comme ça. Francis retourne à la voiture et revient avec le bidon et la boîte en métal, qu’il pose avant d’aller asperger les filles d’essence. Il allume une cigarette en ouvrant la boîte. Il pose le mégot sur un chiffon imbibé d’essence pour pouvoir charger des cartouches dans le canon du fusil de chasse qu’il tient entre ses mains, et armer le chien.
Le mégot ne suffit pas à enflammer le chiffon. Francis le tend au-dessus de son briquet pour l’aider. Quand la flamme prend, il jette le chiffon entre les deux filles. Il ne faut pas très longtemps pour que le feu gagne l’essence. Les filles se débattent quand elles comprennent ce qui les attend. Des sons aigus s’échappent de leur gorge, autour du bâillon. Leurs corps tressautent.
Elles ne peuvent pas s’échapper et elles le savent. Mais elles essaient quand même.
Francis les regarde, immobile. L’odeur de cheveux carbonisés commence à monter à ses narines, mêlée à celle du tissu brûlé.
C’est au moment où celle de la graisse grillée commence à se dégager dans l’air qu’il épaule son fusil, puis tire. Une fois, deux fois. À cette distance, un chasseur chevronné ne rate pas sa cible.
Francis verse le contenu de la bouteille d’eau autour de l’arbre pour ne pas que le feu ne gagne trop les fougères autour. Avec l’humidité dans l’air, il y a peu de risques.
Il retourne au pick-up, fait marche arrière.
Sur la route en sens inverse, il roule plus vite, très vite même. Toujours personne dans cette nuit épaisse qui défile sous ses phares.
Quand il arrive chez lui, il voit de la lumière dans le salon. De l’agitation. Il se gare dans l’allée, juste devant la véranda et saute du pick-up. Il devine qu’on l’a entendu, ça remue dans la maison.
Francis est descendu de la voiture avec son fusil. Il reste une cartouche dedans. Celle qu’il se tire dans la tête au moment où sa femme ouvre la porte qui donne sur la terrasse où les bouteilles de bière renversées sont toujours par terre dans la cendre des mégots écrasés.
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