lundi 27 février 2017

République bananière - Confessions d'une sardine sans tête - Guy Alexandre Sounda



Confessions d'une sardine sans tête
Guy Alexandre Sounda

Editions Sur le fil





Quand un écouteur assermenté plonge dans les cauchemars d'un ancien milicien, ce n'est pas de tout repos. 

Dans un pays imaginaire, mais s'inspirant du Congo-Brazzaville, nous sommes en pleine guerre civile. 
Fabius Mortimer Bartoza, dit Sardine-sans-tête, est jeune lorsque son père est assassiné par les hommes à la solde du président alias Sa-Majesté-La-Chose.
Son délit, avoir peint des visages sur les palissades de sa maison.
Petit à petit dans cette contré sans avenir, Fabius Mortimer va se faire enrôler dans une milice opposée a la dictature des Moustachus et des Bérets rouges.


Quel étrange roman que celui-là, des moments de lecture jubilatoires, des associations de mots réjouissantes, mais des digressions et des longueurs qui m'ont fait perdre le fil du récit de temps en temps. 

"Moi, chère petite, à leur place, j'aurais mis le feu aux kilomètres de baratins et de promesses utopiques. Finalement, tu vois, la politique est la même partout: on papote sur la forme, on éjacule dans le fond, on fait mine d'innover, mais l’évidence est têtue: les politiciens, jaunes ou noirs, viennent tous d'un même cloître où l'on fabrique des lanternes avec des lambeaux de vessies"

Un roman très critique sur les "républiques" africaines, sur la politique en général.


4ème de couverture

« Je traversais une petite folie quand même. Une petite folie ou une déconnade, appelle ça comme tu veux, un voile qui m’empêchait de voir la nudité des choses. »

Un écouteur assermenté recueille sur son calepin les confessions par gestes de Fabius Mortimer Bartoza, un sexagénaire parisien que des gendarmes ont retrouvé au petit matin en compagnie de sa poupée russe, juché sur la statue d’Henri IV, clamant à cœur et à cris vouloir fêter enfin son trentième anniversaire et entamer une nouvelle vie. Et nous voilà embarqués dans les méandres du passé de cette Sardine-sans-tête, sorte de nom de code que portaient les miliciens sous les ordres de tonton Keban, un sous-officier rebelle de l’armée nationale opposé au Président Yango-na-Yango, alias Sa-Majesté-la-Chose, pendant la guerre civile qui sévissait à Gombo-la-capitale : de la dictature du régime des Moustachus et de l’oppression des Bérets Rouges à son exil et son errance sur les pavés parisiens, en passant par ses amours, ses embrouilles et ses fantômes, Fabius Mortimer nous dit tout de la vie des hommes au carrefour de l’Afrique et de la France – et surtout l’indicible ?


Défi lecture 2017 : Catégorie 57 --> un livre qui se passe sur plusieurs continents.

dimanche 26 février 2017

Nouvelle N° 25 - Le pari - Trophée Anonym'us 2017



Créé par

 Anne Denost et Eric Maravelias




La nouvelle N° 25 est arrivée.






Le Pari



MANON 

Ce type me gonfle. Avec ses ongles surmanucurés, son sourire de minet (qu’il doit modestement classer entre ceux de Robert Redford et de Clive Owen), sa mèche rebelle de plouc congénital et son autosatisfaction gluante… Des appareils médicaux. « Je fabrique des appareils médicaux, enfin pas moi, mes employés bien sûr ! » Monsieur est à la tête d’une société, ce qu’il ne manque pas de me rappeler toutes les cinq minutes. Et ma SA par-ci, et ma SA par-là. Ambitieux, Derek. Tu parles d’un prénom. Mes copines diraient que ce Derek est un homme exquis. Surtout Candice, qui trouve tous les hommes exquis dès qu’ils roulent en Porsche. 

Exquis. 

Comme ce cadavre. Oups, ce canard bien sûr, ce cadavre de canard que je dépiaute entre patates purée et légumes al dente. Je deviens pompette. Laure, calme-toi ! Déjà que je n’arrive pas à soutenir le regard de Derek tellement il me semble creux. Alors je me concentre sur mon assiette, découpe mon filet de travers, égare de la purée à côté de l’assiette. Le vin rouge me donne du courage. C’est bien de la faute à Candice et ma clique de copines. Il y a deux semaines, nous sirotions nos apéritifs sur une terrasse, entre ombres et éclats de soleil tranchants de canicule. 

— Le type, là-bas, le brun, je te parie qu’il roule en Porsche, a lancé Candice en agitant ses boucles blondes. 

Soleil et Spritz nous avaient calciné les neurones. 

— N’importe quoi. C’est le genre à se balader en Jaguar, intérieur cuir, interdit aux chiens à cause des poils. 

— Je vote pour la Porsche, a confirmé Bérénice. 

Julie n’a rien dit, mais elle a acquiescé lorsque Candice m’a proposé : 

— Celle qui perd doit passer une soirée avec ce gars. 

— Mais je déteste ce style de mec ! 

— Tu te dégonfles ? 

Soleil et Spritz avaient écorné mon discernement, et puis ce type suintait tellement la Jaguar que j’ai parié. Et perdu. Trop conne, Laure, quand elle a bu et frit à la plage. 


Derek me sourit de nouveau. Ses yeux verts sont comme deux méduses au fond d’une eau claire : flasques, inconsistants. Je bois encore. Il faut que je modère ma consommation, la honte si je me laisse embrasser par ce play-boy ultragominé. Le mieux serait que je sois malade. Une bonne dégueulée au restaurant… J’aimerais bien voir sa tronche. Le restaurant, c’est lui qui l’a choisi. Les conventions. Primordiales, les conventions, pour un mec de son acabit. Il me l’a dit et répété – il aime se répéter, mauvais point pour un chef d’entreprise. Ouvrir la portière de la voiture (de l’extérieur, pas en se penchant lourdement sur les cuisses de sa passagère pour actionner le levier), proposer son bras pour traverser la rue, aider à enfiler veste ou manteau avant de quitter un établissement public. Les bonnes manières. Du style. 

Qu’est-ce que je m’ennuie. 

Le restaurant s’appelle La Gondole. Le comble du romantisme. Venise, le soleil à ras les toits, l’eau qui clapote et Derek m’embrasse tandis que l’esquif éventre lentement les flots du canal. Je bois son amour. Le gondolier fredonne ti amo. Jamais je ne me suis sentie aussi transportée par un homme, lequel me prend dans ses bras pour me déposer sur le quai avant de m’emmener au septième ciel. 

Au secours ! 

— Vous avez un master en sciences politiques, c’est bien cela ? 

Je sursaute. Nous sommes là, à la Gondole, lui tout en noir, genre Nick Cave, moi en bleu. Je fais oui de la tête, la bouche pleine de carottes que je m’empresse d’avaler. J’espère que mon langage corporel ne me trahira pas. Pour sauver les apparences, je me suis inventé un prénom, évidemment (je n’ai pas envie que Derek me colle aux basques), j’ai refusé de lui donner mon numéro de portable (il vient d’expirer, ai-je menti) et me suis inventé un master en sciences politiques alors que j’ai bêtement terminé des études de lettres. Mais cette faculté est considérée comme un repère de fainéants. Si je voulais séduire Derek, je n’avais pas le choix. Ce genre d’homme recherche une femme avec du caractère, de l’ambition, solide et féminine, pas la future pigiste d’un torchon spécialisé dans les chiens écrasés. 

— Oui. Je vous l’ai dit lors de notre rencontre, vous avez bonne mémoire. 

— C’est une de mes qualités. 

— Je suis impatiente de découvrir toutes les autres. 

Il tousse, s’essuie les commissures des lèvres à l’aide de sa serviette – qu’est-ce qu’il peut être précieux dans le geste. J’espère ne pas surjouer mon rôle. Je suis impatiente de découvrir toutes les autres. Quelle conne ! Il va me prendre pour une de ces nunuches à dix centimes qui courent le yuppie dans les bars branchés. Sans compter la liste de ses prétendues qualités, qu’il va me dérouler tel un parchemin antique et m’agiter au nez toute la sainte soirée. D’un geste millimétré, presque trop étudié, il avance sa main vers la mienne. Nos doigts se frôlent. Je frémis, pareille à une feuille sous la bruine automnale. 

De dégoût. 

Je bois pour me donner contenance. Derrière la baie vitrée – so romantic ! minauderait Candice –, gronde le fleuve, mais nous ne l’entendons pas. L’ambiance est feutrée, un piano-bar égrène des standards jazzy. À l’horizon s’étirent les derniers rayons du soleil. Ce Derek est une caricature. Le genre à offrir des roses à la moindre occasion, à préférer le mariage au concubinage, le petit déjeuner au lit plutôt qu’à la cuisine… Oh non… avec les miettes qui adhèrent à vos omoplates et la confiture en auréoles sur le duvet ! 

Ce matin, au téléphone, Candice m’a dit : 

— Un homme qui ne couche pas au deuxième rendez-vous est un gentleman, un homme qui ne couche pas au troisième rendez-vous est homosexuel. 

— Je ne verrai pas ce type une seconde fois, ai-je rétorqué ; j’ai perdu mon pari, d’accord, mais on a bien dit une soirée. Et il est exclu que je couche avec ce bonhomme. 

— S’il est homo, tu ne risques rien. 

Homo. Ça m’arrangerait bien, tiens. À cet instant, Derek replace une mèche rebelle d’un mouvement peu viril. Ou ai-je la berlue ? Je pouffe, m’étrangle. Il me demande si tout va bien. 

— Homosexuel, dis-je entre mes dents. 

— Pardon ? 

La honte me chauffe les joues. « Le chou de Bruxelles », rectifié-je, en montrant la petite boule verte dans mon assiette. Il rit. « Femme qui rit, à moitié dans ton lit », affirme Candice. Homme qui rit, ça donne quoi ? À notre première rencontre, sur cette maudite terrasse, sous les regards scrutateurs de Candice et ses succubes, Derek m’a proposé une virée en bateau. Pas une gondole, mais avec force Aperols. Ça rime. Ouh, la tête me tourne, mais ce vin est divin, pas comme l’autre, là… Nous avons pédibulé… qu’est-ce que je dis ? Une balade au bord de l’eau, dans mon vin de l’eau, et Derek a dégobillé ses petites phrases accrocheuses de séducteur à mèches platinées. Du grand art. Combien de temps passe-t-il à répéter son rôle ? Un coach, il doit avoir un coach en drague, c’est hyper tendance. Bref, il a fini par me proposer de dîner ce soir à La Gondole, et j’ai pu lever le pouce discrètement en direction de mes pouffes de copines. 

La main de Derek sur la mienne, tout à coup. Je sursaute, tente de la retirer, mais il la retient d’une poigne ferme et me fixe en sourire majeur. Mon cœur palpite d’agacement. À l’odeur d’agneau au romarin (Derek adore les côtelettes) se mêle celle, entêtante, ravageuse, d’un parfum pour homme que je ne saurais nommer. « Vous me plaisez beaucoup, Manon. » lâche-t-il, désarmant d’assurance. Je lui rends un sourire contrit. Du coin de l’œil, je lorgne mon sac à main, dans la doublure duquel j’ai planqué la webcam indispensable à ce pari débile. Filmer pour être crue. « Qui nous dit que tu vas vraiment y aller, à ce dîner ? » a ironisé Bérénice. Elles me regardent en direct. Elles doivent s’apercevoir de ma gêne, je les sens ricaner derrière leur écran. Les garces ! Je les entends presque exploser de rire lorsque Derek m’embrasse par-dessus les assiettes. Je ne l’ai pas vu venir. C’est dégoûtant. Je me cabre, porte mon verre à mes lèvres, le vide d’un trait. Tu ne devrais pas boire autant, Laure, tu ne devrais pas. Ce vin a la couleur du rubis. Ou du sang. 

Sens dessus dessous, Laure. 



DEREK 

Manon Lescaut. Manon des sources. Manon, Manon, pada, dada, da… Tu parles d’un prénom. Cette greluche m’exaspère. Elle a le même regard que toutes ces intellos de gauche : idéaliste et buté. Tout en elle sent le dentifrice bon marché, l’insoumission et la révolte par défaut. Le genre à partir en campagne contre le nucléaire ou en croisière pour sauver les bébés phoques, les yeux écarquillés sur l’horizon d’un monde meilleur. Et à vouloir des enfants. Plein de mioches. Des blonds, des bruns, filles et garçons crottés jusqu’au menton à force d’avoir piétiné le jardin – celui qui entoure sa bicoque retapée main avec son mari écolo. Repeuplons la terre et aimons-nous, puisqu’il le faut ! 

Palais idéal d’une Cendrillon militante et altermondialiste qui n’assume pas : si sa robe bleu acier semble sortie d’une boutique de seconde main, ses escarpins scintillent Louboutin. Parfumée Sonia Rykiel, coiffée Dessange ou un truc branché du genre. Sans doute enculottée de Triumph. Poulette coincée entre révolte et soumission. 

Je décline ma galanterie sans grande conviction. Je vois bien que tout est forcé chez elle, de son sourire agacé à sa gestuelle appliquée – même si l’alcool commence à la rendre malhabile – jusqu’à ce vouvoiement d’une désuétude consternante. 

— Je trouve cette manière tellement charmante, ne trouvez-vous pas, Derek ? 

— Vous reprendrez bien un peu de vin, chère Manon ? 

— Volontiers. Vous avez bien choisi, c’est un régal. 

Ce vin rouge sang, qu’elle avale en roulant des yeux, cils en battements syncopés, sourires à fossettes… Poulette habituée à ces jeux de séduction dont la plupart des hommes raffolent, Manon se décline en mode traditionnel : tiare de cheveux sombres, yeux verts, lèvres à la pulpe carminée. Roule en Mini Cooper. Incapable de remplir le réservoir sans en mettre la moitié à côté. Laissez-moi faire, en chaque automobiliste sommeille un pompiste. Et un Prince Charmant – un jour nous nous marierons, ma mie, un jour nous nous marierons… 

Étonnamment, elle a accepté sans minauder ce repas à la Gondole, où je n’ai nulle habitude. Cruciale, la discrétion. Un client parmi d’autres, accompagné d’une greluche dont personne ne retiendra la moindre fragrance. Une jolie fille parmi des centaines de jolies filles, femmes, dames ou mamies. Personne ne remarque personne, même si le voyeurisme tient boutique en notre société. 

— Vous fabriquez des appareils médicaux ? me demande-t-elle, alors que je le lui ai déjà dit. 

Typique de la femme peu concernée ou un peu bourrée qui ne sait pas comment relancer la discussion. J’acquiesce. Elle insiste. 

— De quel genre ? 

— Des balances de précision ultra perfectionnées. Elles vous pèsent des éléments de l’ordre du micro gramme. 

— Passionnant ! Le marché est vaste, n’est-ce pas ? 

Intéressée, la poulette. Ces gauchistes mangent à tous les râteliers… Je lui confirme ma position de leader du marché sur le continent européen, même si la concurrence reste féroce – les vampires du business affûtent leurs canines. Manon sourit. Jolies dents. Je les vois s’éparpiller au sol en une cascade d’émail sanguinolent. Sa bouche vide continue à me sourire, comme celle d’une vieille femme bientôt expirée, et je découpe une côtelette de la pointe de mon couteau, un laguiole méchamment aiguisé, qui détache la chair de l’os avec douceur. Le sang perle. C’est bon, l’agneau rosé. Ne jamais trop le cuire. Sinon il se dessèche et se contracte telle une éponge au soleil. Je porte le morceau en bouche. Fondant. Délicieux. 

Manon se tortille en buvant son vin. Dans ses yeux rougeoie le coucher de soleil qui s’épanouit derrière moi. J’ai pensé qu’elle adorerait cette mièvrerie, voilà pourquoi je lui ai proposé de tourner le dos à la salle – entorse aux bonnes mœurs puisque la femme doit toujours l’embrasser du regard. Afin de voir. Et d’être vue. 

Nos mains se frôlent. Je m’empresse de retirer la mienne, sans précipitation toutefois, pour réajuster les cols de ma chemise et de mon veston. Les prémices de l’ivresse s’invitent chez Manon. Gestes de plus en plus hésitants, bafouillages, diction tortueuse. Dommage. À vaincre sans combattre, on triomphe sans gloire. Le dicton à la con. Je modère ma consommation pour ne pas me retrouver con, justement. La mécanique est aussi huilée qu’un moteur de Formule 1. Le dessert avalé, je proposerai une prolongation de soirée à cette petite gourde. Elle ne refusera pas un tour en Porsche. Communistes ou libérales, elles ne refusent jamais un tour en Porsche. Griserie de la vitesse, griserie de l’alcool… Dans la nuit, nous nous évanouirons. Le noir. Au commencement, à la fin. Le noir de ces ventres habités de gnomes désarticulés qui envahissent le monde, et claquent les bottes, grimacent ces bouches avides, saignent toutes ces plaies immondes. Le noir de ces mères en deuil dont la progéniture sème le chaos à travers les steppes brûlées, le noir de ces cadavres calcinés suspendus entre ciel et terre, le noir d’un retour à la poussière volcanique dispersée au-delà de l’univers. 

J’aime ce noir. Il me va bien. La lumière n’est qu’une illusion d’optique. 

Et je lui dis, à cette petite conne de Manon, puisqu’elle n’attend que ça (ou plutôt, m’entends-je dire) : « Vous me plaisez beaucoup, Manon. » Son regard mouillé et lumineux – cette illusion – me raconte l’histoire que nous ne vivrons jamais. Celle du Prince et de la Belle. Autour de nous chuchotent les couverts, marmonnent les assiettes. Une odeur de parfum et de viande se faufile entre les tables. Sous mes doigts, la nappe fait des plis. Je me penche au-dessus de nos plats vides pour embrasser Manon, alors que je n’ai qu’une envie : lui planter ma fourchette dans la main et l’écouter hurler, ou lui arracher un œil avec la cuillère à dessert puis le jeter à travers la salle comme une balle de golf. 

Nous trinquons. 

Le bord de mon verre se fend et, en le portant à mes lèvres, je m’écorche volontairement la langue pour sentir la douceur métallique du sang dans ma bouche. 

APOCALYPSE… 

L’ivresse rend faible. Derek le sait, lui qui ne boit quasiment jamais. Seulement pour trinquer avec ces femmes arrogantes et peinturlurées, prêtes à battre des cils des années durant pour se faire engrosser. 

Des putes déguisées en mères de famille. 

L’ivresse rend faible, et Derek en a profité. À la sortie de la Gondole, Manon titubait dans ce crépuscule aux teintes orangées – relents d’essence et de fin du monde. Elle s’est accrochée à son bras. Lui a demandé de la raccompagner jusqu’à sa voiture, garée à cinq cents mètres. 

— Mais voyons, Manon, vous ne pouvez pas conduire dans cet état. 

— Ah, ah, Manon… Laure… 

— Pardon ? 

— Oups, rien… Vous avez peut-être raison, pour la conduite. 

Installée dans la Porsche de Derek, Manon n’a pas tardé à s’endormir, la tête contre la portière. « Vous feriez mieux de dormir chez moi. » Elle a accepté. En tout bien, tout honneur. Évidemment. La déchirure orange, à l’ouest, faisait comme une blessure dans la nuit. Une lame dans une chair ferme, a pensé Derek en démarrant. Les pneus ont couiné, ce qui a tiré Manon d’un nouveau sommeil. 

Umberto Tozzi chante. Ti amo, in sogno, ti amo, in aria. Un truc de fille. Elles aiment toutes ces mièvreries. La chaîne stéréo semble roucouler sur son meuble. En communion avec Manon qui, maintenant étendue sur le lit de Derek, poignets et chevilles menottés aux montants, Christ féminin au bord de l’abîme, gémit. Doucement. 

Au premier coup de lame, son hurlement a déchiré le pâle silence de la chambre. D’autres cris ont rythmé d’autres coups, puis le volume de ses plaintes a diminué. Lorsque Derek l’a pénétrée, sang et chair avalant son sexe, des larmes ont remplacé les vocalises. Un filet rouge a rampé hors de sa bouche. Elles se mordent la langue, souvent. Douleur et terreur. Derek a bandé plus fort. Ti amo… nel letto commando io… Il a joui en même temps qu’il l’étranglait de ses belles mains aux ongles soignés. Elle a suffoqué. Craché. 

Derek frissonne aux chants de douleur. La lame brille sous la lumière du plafonnier, à l’ampoule vermillon. Tamisée, c’est plus chic. Les putes mères de famille adorent les ambiances de lupanar… Derek lèche le sang séché sur les avant-bras de Manon. Il aime ce goût, cette texture. Sous sa langue, le corps tremble. Bientôt, ce ne sera plus qu’un cadavre découpé et jeté aux renards au fond du parc. Sous les arbres, là où personne ne vient jamais. Voilà à quoi servent les propriétés bourgeoises héritées de grand-papa : charniers et ossuaires. 

Un havre de paix. 

Ti amo… lo ti amo e chiedo perdono 

La sonnerie de son portable interrompt l’extase. Derek décroche. Antony à l’appareil. Un ami. 

— Je viens aux nouvelles, Derek. Tout va bien. Tu étais à cran, la dernière fois. 

— Ça va mieux, merci. 

— Tu es sûr ? 

— Certain. 

Quelques amabilités. Une promesse de se voir bientôt. Le regard de Derek accroche le sac à main de Manon, posé, jeté même près de la tête de lit – il se rappelle très bien l’avoir balancé tandis qu’il traînait le corps de Manon à l’entrée de la chambre. Une odeur de cuir trop neuf. Il s’en débarrassera. Un sac de femmes chez lui pourrait attirer l’attention. 

… Now 

Figée devant l’ordinateur, Candice pleure et suffoque. Incapable de détourner ses yeux de l’écran, comme aimantée par l’horreur à laquelle elle assiste, les ongles incrustés dans le bois de la table, elle pense aux films d’épouvante qu’elle regardait à l’adolescence. Pour se faire peur. Sentir l’adrénaline creuser son lit, tourbillonner en elle. 

Ce n’est pas un film. 

Bérénice vomit à la cuisine. Julie tente d’appeler la police entre deux hoquets d’effroi. Le choc. L’horreur imprimée au fond de la rétine. Elles ont tout vu, ou presque. Pas les premiers coups. Ensuite. Le sac qui atterrit au bout du lit, la webcam qui change d’angle dans le mouvement. Rouge et noir, sang et lame d’acier. 

Il est trop tard. Ou pas. Bérénice ne revient pas de la cuisine. La poitrine tout à coup secouée de spasmes, Candice entend Julie crier au téléphone qu’il faut intervenir, que sa copine est tombée sur un malade mental, que tout est de la faute de cette Porsche de malheur, que l’autre l’a violée et va l’achever, qu’elles ont tout vu, TOUT VU. 

Ou presque.

vendredi 17 février 2017

Nouvelle N°24 - Les boulets - Trophée Anonym'us 2017



Créé par


 Anne Denost et Eric Maravelias



Nouvelle N° 24




Les Boulets



Il avait fallu du temps à Edna pour réaliser qu’elle haïssait ses proches. Cela s’était fait par étapes, par révélations successives. De plus en plus rapprochées, car chaque bouffée de haine banalisait la précédente, et rendait plus facile la prise de conscience qui suivait. 

Elle avait d’abord haï sa belle-fille, Séline Avec-un-S. C’était presque trop simple : une belle-mère est censée le faire. C’est folklorique. La haine de la belle-fille est un garant de l’amour du fils. Passé l’accueil cordial et les politesses d’usage, elle avait donc lâché la bride à son aversion. Cette fille était sotte, vulgaire, superficielle, obsédée par l’argent et la gloriole. Elle portait de la vraie fourrure, si mal taillée qu’elle en avait l’air fausse ; en guise de maquillage, un emplâtre qui aurait pu couvrir les comptes de campagne d’un élu des Hauts-de-Seine. Elle était tout ce qui consternait Edna, une caricature de l’avenir. Une version humaine des zones périurbaines interchangeables, qui gangrenaient le paysage de leurs néons clinquants. De surcroît, en mangeant, elle produisait régulièrement d’ignobles grincements, comme si elle aiguisait ses dents sur la fourchette ! Ce bruit vrillait le tympan d’Edna comme aucun autre. Au bord du malaise, il lui semblait qu’elle sentait saigner ses gencives, et s’incarner ses ongles ! 

Comment son fils Johan avait-il pu tomber si bas ? Durant quatre ans, elle voulut croire que cette grue ne le méritait pas. Elle espéra qu’il ouvrirait les yeux et la quitterait. Quand le couple dînait chez eux, un dimanche sur deux, elle meublait le temps passé seule dans la cuisine à imaginer des circonstances qui mettraient en lumière la bassesse morale de la donzelle. Lorsqu’il fut question de fiançailles, puis de mariage, lorsqu’elle vit les mâchoires du piège se refermer sur le fiston, elle se prit à souhaiter le décès (avec un d) de Séline Avec-un-S, puis à fantasmer son assassinat. Lorsque la victime putative mâchonnait sa fourchette, l’image prenait de la couleur. 

Or, il advint qu’un de ces dimanches fut un dimanche électoral. Tous guettaient donc les résultats, à l’exception du cadet, Pierrick, monté se cloîtrer dans sa chambre, parce que la politique ça pue. Et à sa décharge, admettait Edna à contrecœur, la politique ne sentait pas bien bon : tout laissait prévoir que l’extrême-droite serait au second tour. Edna était à la cuisine, mettant la dernière touche au plateau de fromages, lorsque tomba le verdict. Elle fut alertée par des éclats de voix : son fils et sa belle-fille semblaient en désaccord sur l’analyse. Que Séline Avec-un-S, qui cultivait son look d’Aryenne à grand renfort de décolorations, puisse être une garce de la Marine, n’était pas surprenant ! Il y avait là un espoir que les deux époux se trouvent séparés par la vie, au moins en cas de guerre civile. Mais Edna dut déchanter, sitôt regagné le séjour : il s’avéra que son horrible bru, au contraire, reprochait à Johan de devenir un gros facho. Non seulement il se réjouissait des résultats, se vantant d’y avoir contribué, ce qui était déjà dur à entendre, mais il y avait pire ! Séline Avec-un-S vidait son sac, ravie de voir qu’elle avait, pour une fois, su capter l’attention de sa fuyante belle-mère. Elle disait le racisme brutal et assumé de Johan, ses amitiés douteuses et ses lectures puantes, ses envies de ratonnade. Elle racontait comment, devenu DRH de sa boîte, il filtrait les candidats au nom de la préférence nationale. Il laissait dire, un sourire provocant aux lèvres. Edna et le fromage, tremblants, firent demi-tour. Quelques larmes de rage arrosèrent le maroilles. Elle haïssait son propre fils. 

Cette haine-là était bien plus lourde à porter. Edna ressentit le besoin de partager son fardeau. Elle avait mis, ce fameux soir, le silence de son conjoint sur le compte de la sidération : Christian, bien que considérablement ramolli par l’alcool et la graisse, avait un passé de militant. Elle l’avait connu syndicaliste, défilant sous l’étendard de Lutte Ouvrière. Si égocentrique qu’il soit objectivement devenu, il ne pouvait se satisfaire d’avoir couvé un nazillon. C’était du moins ce qu’elle espérait, avant d’oser aborder le sujet avec lui... Christian éructa son indifférence, ricana son renoncement. Leur fils avait bien raison, ce monde était pourri. Lui, au moins, partait pour réussir sa vie ! Pas comme Christian lui-même, qui s’était bien fait couillonner. Johan, à vingt-cinq ans à peine, conduisait une plus grosse bagnole, et tirait une plus belle gonzesse. Nul n’avait de leçon à lui donner. À la fin de sa tirade, la plus longue qu’il ait adressée à sa femme depuis bien des années, Christian se retourna vers son ami l’écran, et agrippa le décapsuleur avec ce qui lui restait de poigne. Et Edna haït son mari. 

Un mari, en soi, est moins dur à haïr qu’un fils. Surtout quand on ne l’aime plus depuis belle lurette ; quand, peut-être, on ne l’a jamais aimé. Edna pouvait, enfin, s’avouer qu’elle avait épousé Christian par dépit, après que son premier amour, un guitariste de talent pourvu d’un sourire lumineux, très généreux au lit, l’ait abandonnée sans un mot d’explication. Christian semblait solide ; il n’était pas trop laid. Il l’avait poursuivie de ses assiduités durant plusieurs années, et cette constance, agaçante la veille encore, prenait de la valeur dans le contexte. Aussi Edna s’était-elle laissée consoler par Christian. 

Ne travaillant qu’à mi-temps depuis la naissance de ses fils, elle dépendait de lui financièrement, ce qu’il ne cessait de lui rappeler : le peu qu’elle gagnait passait dans la maison de retraite de son père, que Christian refusait de prendre à la maison, malgré l’insistance du vieil homme. Sur ce point, elle ne lui avait pas donné tort, car le vieux Gaspard n’était pas simple à vivre. Caractériel et volontiers violent, il passait ses nerfs à coup de canne sur le mobilier de la résidence, ce qui augmentait l’addition. Il insultait le personnel, et se voyait régulièrement menacer d’expulsion. Edna devait alors brandir le prospectus d’une autre institution, moins cossue, pour le ramener à la raison. 

Lorsqu’Edna haït son époux, il lui sembla naturel de s’appuyer sur son père pour lui nuire : elle convaincrait Gaspard de se rendre odieux, au point d’être fichu dehors. Edna prétendrait qu’aucune maison de retraite ne voulait de lui (elle saurait dissuader celles qui se proposeraient), et ne l’installerait chez elle à la barbe de Christian. 

Elle jubilait en entrant dans la chambre du vieil homme, mais, à nouveau, la déception fut rude : lui qui n’avait cessé, à chaque visite d’Edna, de lui reprocher son ingratitude, se lamentant des heures entières sur le peu d’esprit de famille des jeunes générations, qui lui valait de s’éteindre à petit feu dans une bauge, se déballonna immédiatement lorsque sa fille lui révéla son plan. Après quelques atermoiements, il finit par cracher entre ses fausses dents qu’il était mieux où il était, que la conversation de son imbécile de gendre et de ses petits-fils tarés ne lui manquait pas, et qu’il n’avait pas envie de subir la cuisine d’Edna, présumée aussi dégueulasse que celle de feu sa femme. Lorsqu’elle tenta de le faire taire, le suppliant de ne pas salir la mémoire de sa mère, il eut une moue presque tendre ; il concéda qu’il était mal placé pour lui reprocher son mauvais goût, ayant lui-même épousé une idiote. Elle apprit à cette occasion que son amour de jeunesse, le guitariste, n’avait pas quitté la ville de son plein gré, mais menacé de mort par Gaspard, qui lui avait brisé trois doigts à coups de talon pour marquer le coup. L’autre n’était pas moins con, mais il avait un vrai métier, conclut le vieillard, fataliste. 

Sous cette nouvelle lumière, Edna repassa en accéléré le film de ses souvenirs d’enfance. Elle revit sa mère accablée, éreintée sans cesse par d’innombrables piques, rudesses et mesquineries. Elle se souvint du son des sanglots et des coups, mal étouffés par la porte de sa chambre. Edna haït son père, souhaita sa mort, et ce fut comme un soulagement. 

Désirant tant de morts, il devenait inévitable qu’elle songe à passer à l’acte. D’autant qu’elle était, depuis toujours, une lectrice passionnée, et que le polar avait pris une place croissante dans ses choix, éclipsant les autres genres. À la télévision aussi, lorsque Christian sombrait enfin, et qu’elle avait accès à la télécommande, elle recherchait les séries policières : au suspens prévu par l’intrigue s’ajoutait pour elle l’incertitude de voir la fin de l’épisode, car certains bruitages (notamment les coups de feu) risquaient de réveiller l’époux, qui zapperait aussitôt sur Bein Sport. Son imagination féconde, nourrie de la sorte, lui fournissait chaque jour un nouveau stratagème pour se débarrasser des quatre nuisibles. Quatre boulets qui l’entravaient, souillant son univers, son paysage intérieur ! 

Mais elle se sentait le devoir de refréner ces envies de meurtre, au moins tant que Pierrick serait à la maison. Bien que majeur depuis peu, l’adolescent était loin d’être autonome. Il avait encore besoin d’elle, et peut-être même des quatre autres, encore qu’ils ne l’aient guère aidé ! Johan rabaissait constamment son petit frère, qu’il n’appelait que Pirlouit, et traitait volontiers de nain. Christian, au lieu de le défendre, prenait le parti du plus fort : son fils aîné, bon élève et beau gosse, dont il voulait croire en dépit du bon sens qu’il lui ressemblait. Il prenait soin, en revanche, de ne pas croiser le regard du terne Pierrick, pour ne pas risquer de s’y reconnaître. 

Il semblait donc à Edna qu’elle devait tenir bon pour lui. Certes, il n’était pas plus aimable que les quatre autres ! Bien au contraire, sa contribution quotidienne à la vie de famille n’était qu’onomatopées injurieuses, papiers gras et portes claquantes. Mais il était adolescent, et son acné constituait à elle seule un alibi. Il était infect, mais sans le faire exprès. Tout était de la faute des hormones. Edna s’accrocha quelques jours à cette idée. 

Le dimanche, en compagnie de Johan et de sa femme, alors qu’on attaquait les frites (Edna détestait les frites, mais elles étaient la condition pour que Pierrick accepte de manger à leur table), tandis qu’elle fomentait, souriante, un traquenard imparable dans lequel trois de ses cibles tombaient d’un coup et crevaient lentement, le fameux grincement dents-fourchette résonna plus fort que jamais. Au point que tous réagirent : Christian grimaça, et Johan se tourna vers sa femme d’un air de reproche. Celle-ci s’indigna : mais c'est pas moi ! C’est ton frère, qui fait ça tout le temps ! Le regard d’Edna bifurqua vers Pierrick, à temps pour y saisir l’étincelle de méchanceté pure qui lui était personnellement destinée. Nan, c’est Séline, elle bouffe comme une truie. Mais là, elle le faisait pas, alors j’ai pris le relais. J’aime trop la tronche que fait Maman à chaque fois. Ainsi parla Pierrick, avant de regagner sa chambre sous les huées du joli jeune couple, emportant dans chaque poche de sa polaire crasseuse une poignée de frites. Et Edna se sentit enfin les coudées franches. 

Pas plus tard que le lendemain, elle résolut de faire un massacre. Il fallait garder la tête froide : il était impossible de réunir les cinq dans la même pièce, et donc indispensable de ne pas se faire pincer tout de suite. Et dans l’absolu, bien que sa propre vie n’ait pas grande valeur à ses yeux, il pouvait être amusant de la préserver. Parmi la quantité de scénarios qu’elle avait conçus, il était temps d’élire le meilleur. Elle se releva en pleine nuit pour jeter ses idées sur le papier. Elle noircit un nombre de feuillets considérable, biffa, déchiqueta, réécrit. Elle se prêta à ce jeu plusieurs nuits durant. Quand elle eut arrêté son plan de campagne, qui prévoyait dans le plus grand détail chacun des meurtres, elle se dirigea vers la chambre conjugale pour régler le sort de Christian. Hélas, au pied du mur, une nouvelle déconvenue l’attendait : Edna, pour le dire en un mot, était incapable de tuer un homme ! Cette évidence la frappa de plein fouet, lui donna le tournis : elle n’était bonne qu’à commettre des meurtres de papier. 


Elle médita longtemps cette déconvenue. Sa vengeance inassouvie la hantait, le vaste piège qu’était sa vie mordait son âme à belles dents. Continuer comme avant ? Impossible. La chaîne des cinq boulets cisaillait ses chevilles, ses poignets et son cou. Elle devint agressive, ce qui ne fit qu’empirer les choses. Elle était dans l’impasse. L’écriture lui parut la seule issue possible. 

Une nuit, elle exhuma ses notes. En les relisant, elle y vit la matrice d’un honnête recueil de nouvelles noires. Elle ajouta un bref portrait de chaque victime – juste de quoi permettre au lecteur d’apprécier sa démarche – et travailla cette matière brute jusqu’à obtenir cinq récits, sobres et minutieux. Cinq morts imparables, adaptées, soignées. Rien de très original, mais un verbe élégant, et une cruauté qui forçait le respect. 

Lorsqu’elle fut satisfaite, elle alla déposer le manuscrit chez plusieurs éditeurs sous le pseudonyme de N.M. Hézis. Les plus grands déclinèrent – les nouvelles, ça ne se vend pas. Une lettre se voulait pourtant encourageante : si monsieur ou madame Hézis écrivait un roman du même cru, il ou elle serait lu (e) attentivement. Edna sourit ; elle ne comptait rien écrire d’autre, mais c’était gentil tout de même. Elle contacta alors de plus petites maisons, et fut reçue par un monsieur charmant, ancien instituteur, qui s’était juré de vouer sa retraite à la traque de nouveaux talents. Il était très impressionné. Elle insista sur l’anonymat nécessaire tant qu’elle vivrait : il accepta. Elle signa ; il publia. 

À la sortie du livre, Edna vint l’admirer, mais n’en voulut qu’un exemplaire. Elle palpa la couverture, la flaira. Elle caressa l’idée de laisser trôner l’ouvrage dans son salon, mais non : chaque chose en son temps. Elle feuilleta, serra le livre contre son cœur, puis le glissa au hasard dans une boîte aux lettres. 

Quelques semaines passèrent : l’éditeur l’appela, enthousiaste. L’accueil du livre était encourageant ! La presse locale avait prévu un papier. Tout espoir était permis. 


Et le matin suivant, la brume se lève sur un monde sans Edna. Christian se gratte les testicules et allume le téléviseur : il est toujours vivant, du moins autant qu’hier. À la maison de retraite, Gaspard engueule une aide-soignante, il est en pleine forme. Séline-avec-un-S, exsangue, bouche bée et langue tordue, vernit ses ongles de pieds en mauve dans une position scabreuse. Elle dit qu’elle va mouriiiiiir parce qu’elle a loupé le pouce et que le flacon de dissolvant est presque vide, mais on peut supposer qu’elle survivra. Johan ronfle toujours, malgré ces cris de perruche ; il s’est couché à l’aube, un œil poché. À ce détail près, on peut dire qu’il va bien. Pierrick a lancé sur Youporn une recherche insolite, à partir des mots-clef anus + rongeur + LSD, un copain lui ayant raconté un truc de dingue sur les frasques d’un type célèbre. Il a un peu de mal à bander, mais sa santé n’est pas en cause. 

Tandis qu’Edna est morte. Bien qu’elle ne soit pas là pour les appeler vingt fois, bien qu’ils ne puissent plus faire semblant de ne pas l’entendre, ils finissent par avoir la dalle, tout de même ! Christian braille une fois, deux fois, sans autre écho qu’un lapidaire Vos gueules, je dors ! émanant de l’ami des bêtes. Il passe alors le bout de son nez dans la cuisine, puis le reste du nez, puis toute sa face rougeaude et son cou flasque. Il avise un post-it fluorescent, qui détonne sur la toile cirée à motif « calèches ». Edna l’écrivaine s’est offert un haïku pour épitaphe, car sa mort n’a rien d’un roman. Elle la veut dense, poétique, fulgurante. 




Du haut du pont 

Un bond 

Dans la rivière. 




Pour être honnête, elle n’a pas vraiment bondi. Trop le vertige. En haut du vieux pont à demi effondré, elle a d’abord gobé huit comprimés, puis elle s’est allongée au bord du vide sur la pierre encore chaude, cherchant du regard la Voie lactée. Elle a guetté l’engourdissement, qui est venu très vite ; elle s’est laissée gagner presque entièrement, jusqu’aux paupières. Ce n’est que quand le noir s’est fait, se sentant partir, qu’elle a rassemblé ses dernières forces pour basculer. 

Le résultat est le même : ils l’ont bien trouvée sous le pont. 


Cette mort a créé un drôle de vide. Le haïku d’adieu laissait place à toutes les interprétations. Aucun des proches d’Edna n’ayant la moindre envie de se sentir responsable, après un temps d’ahurissement, tous ont commencé à se tirer dans les pattes, se reprochant la perte de celle qu’ils aimaient tant, en fin de compte. Ils se sont jeté à la face, dans le désordre, tout ce qu’Edna ne leur avait jamais dit. Ce fut sanglant. 

Ils se déchiraient à belles dents depuis des mois, quand le monsieur timide est venu frapper à la porte, gêné comme tout. C’est que le livre avait fait son chemin ! C’est qu’il avait été lu, qu’il avait plu, qu’il marchait bien ! Plusieurs blogs en avaient salué la mécanique précise et bien huilée, et un chroniqueur de renom avait vanté une aigre plume trempée de bile, qui donnait du relief au vide. Ce qui ne voulait pas dire grand-chose, mais faisait apparemment vendre. Les lecteurs intrigués auraient aimé savoir qui en était l’auteur, plusieurs libraires le réclamaient ; on contactait son éditeur pour proposer, ici ou là, une signature. Au point qu’il aurait insisté pour la faire sortir de l’anonymat, si elle n’avait pas été morte ! 

Le monsieur timide était bien embêté, le moment venu de régler les droits d’auteur. La dame n’étant plus là, c’est à ses ayants droit qu’il lui fallait donner les sous. On ne parlait que d’une petite somme, bien sûr, mais une somme tout de même. Que lui, l’intègre instituteur en retraite, n’aurait pas pu empocher sans rien dire, oh non ! Il se serait plutôt étouffé avec ses palmes académiques. 

À la vérité, tout intègre qu’il fût, il y avait bien pensé ; c’est même pourquoi il ne s’était pas présenté tout de suite. Le dilemme était conséquent : c’était l’occasion où jamais d’habiller de vertu une petite escroquerie, car le contenu du livre étant ce qu’il était, le cacher à cette famille endeuillée serait faire acte de charité, en somme... 

D’un autre côté, l’éditeur se disait qu’en apprenant le suicide follement romantique de l’auteure, le monde du polar pourrait bien s’enflammer comme un baril de poudre, propulsant Les boulets au firmament des meilleures ventes, hardiment chevauché par le monsieur timide. C’était tentant ; il fut tenté. Il vêtit donc son cynisme tout neuf des habits de l’honnêteté, et frappa à la porte. 


Et cette famille qui ne lisait pas se mit à lire. Et chacun se reconnut, et prit en pleine figure le coup qui lui était destiné. Leur morte chérie les assassina un à un, mot à mot. Troublant, d’être les cibles d’une morte ! De réaliser, à si peu d’intervalles, à quel point elle vous était nécessaire, à quel point vous la dégoûtiez ! 

Le livre connut un peu de la réussite qu’escomptait le monsieur, qui devint moins timide. Un beau succès d’estime, plusieurs prix, des ventes hors du commun pour une si petite maison – pas de quoi rendre riche, mais de quoi rendre fier. Ou au contraire se consumer de honte, selon qu’on était l’éditeur, ou l’un des personnages. Nombre de critiques déplorèrent qu’Edna soit la femme d’un seul livre, mais le vieux monsieur n’avait pas de regret : elle n’aurait rien pu écrire d’autre. C’était l’œuvre d’une vie, un one shot, comme on dit. One shot pour cinq victimes, c’est un beau score ! Elle avait bien visé. 



Pourtant, ils sont vivants. Les cinq boulets qui entraînèrent au fond de l’eau le corps d’Edna sont bien vivants. Mais ils morflent. 

Ils sont partis pour souffrir très longtemps. Ce sera une famille hantée, maintenant. 


Ainsi rumine Edna, en versant l’huile dans la friteuse. Elle aime ce scénario : il a de la classe. Pas évident à mettre en œuvre, mais qui sait ? Elle aimait écrire, au lycée. 

Mais travailler la nuit semble bien difficile – elle est si fatiguée… Il faut y réfléchir encore. D’une manière ou d’une autre, ils vont payer.

samedi 11 février 2017

Nouvelle N° 23 - Mort aux cons ! - Trophée Anonym'us 2017



Créé par



 Anne Denost et Eric Maravelias






Semaine 23, nouvelle 23








MORT AUX CONS !



Franz appuya sur le bouton. Les portes de la cabine se refermèrent. Il agrippa les deux poignées réglementaires et le voyant au-dessus des chiffres bascula du rouge au vert. L’accélération le surprit, comme toujours. Vingt-six secondes plus tard, il était au deux cent quarante-troisième étage.

Il parcourut les longs couloirs lumineux d’un pas vif. Le puissant logiciel de reconnaissance faciale, couplé à un A2C – Analyseur d’ADN sans Contact – ouvrait les doubles battants devant lui dans un subtil chuintement pneumatique. Quand il arriva devant le bon bureau, la secrétaire holographique se matérialisa. Grâce, ou à cause du DIOC – le Détecteur et Interpréteur d’Ondes Cérébrales – elle était comme Franz le souhaitait : brune, pas très grande, yeux noisette, petite poitrine.
– Bonjour Monsieur G. Vous êtes attendu.
D’un petit geste de sa main virtuelle, elle invita Franz à entrer. Il pénétra dans une pièce spacieuse dont le mur du fond, entièrement vitré, offrait une vue époustouflante sur Bruxelles. Au loin, Franz repéra la tour Jean Monnet au sommet de laquelle convergeaient les énormes faisceaux laser bleus émis depuis les autres capitales européennes. Monsieur C. était assis derrière son bureau, un bloc massif de bakélite aux reflets moirés.
– Ah ! Bonjour Franz ! Comment allez-vous ?
– Bien merci.
– Je vous en prie, asseyez-vous ! Whisky ? Vodka ? Huss ? Autre chose ?
– Rien. Merci.
Franz s’assit. Les micro capteurs du dossier confirmèrent quasi instantanément à Monsieur C. que son interlocuteur était bien un être biologique (vérification devenue obligatoire depuis qu’un androïde avait réussi à pénétrer dans le building).
– Combien ?
– Comme d’habitude.
– Pour ?
– Le vingt-cinq.
– De ce mois ?
Monsieur C. esquissa un petit sourire.
– Je sais que vous êtes efficace Franz mais quand même… Non, le mois prochain.
Franz attrapa l’enveloppe qui sortit d’une fente découpée dans l’accoudoir droit de son fauteuil. L’ouvrit. Quatre clichés. Tandis qu’il les détaillait, Monsieur C. se chargea des commentaires :
– Un industriel qui a évoqué la possibilité de revenir aux cultures OGM… Un élu de la Haute Chambre auteur d’un essai sur les vertus méconnues du cumul des mandats… Une sprinteuse qui continue de soutenir qu’elle ne s’est pas dopée aux championnats du monde sous bulle à pression constante…
Franz découvrit le dernier portrait. Un homme dégarni qu’il reconnut aussitôt comme étant le ministre allemand de la Santé.
– Mon préféré, commenta Monsieur C. Lors d’un dîner mondain, il a rappelé sans rire à tous les convives que l’épidémie du SIDA, cette maladie du siècle dernier, avait été une bénédiction en faisant prendre conscience aux homosexuels qu’ils étaient sur le mauvais chemin. Il s’est même exclamé qu’une souche mutante de ce virus résistante au vaccin serait la bienvenue aujourd’hui pour leur faire une petite piqûre de rappel.
Franz retourna le cliché. Lut l’adresse. Munich. C’était la cible la plus proche. Il commencerait par celle-là. Il se leva.
– Pour le règlement, un quart maintenant, un huitième à chaque élimination, le dernier quart quand nous nous reverrons. Je vais d’ailleurs vous payer ce que je vous dois pour votre dernier travail. S’il vous plaît…
Monsieur C. présenta à Franz une petite boite noire percée d’un trou. Franz y inséra son index. Tout d’abord le froid intense, anesthésiant, pour ne pas sentir l’aiguille qui vint prélever le demi-millimètre cube de sang nécessaire au déclenchement du virement bancaire. Au loin, et comme le building tournait sur lui-même, faisant une rotation complète en deux heures, Franz pouvait maintenant voir les méandres artificiels de la Senne qui coulait, telle de l’or liquide à la lumière du soleil couchant.
– C’est bon ! annonça Monsieur C. Vous pouvez retirer votre doigt.
Franz ne se fit pas prier. Demi-tour, direction sortie. Dans son dos, Monsieur C. :
– Bonjour à votre femme !


*

Les guerres n’existaient plus : les plages syriennes et libyennes faisaient la joie des vacanciers ; la bande de Gaza accueillait chaque été le plus grand festival de rock du monde organisé par une firme israélienne ; la Birmanie, le Darfour et l’Afghanistan étaient visités par des millions de touristes ; la Corée fêterait cette année le quatre-vingtième anniversaire de sa réunification… Pas le moindre conflit sur la planète Terre pourtant on fabriquait encore des armes de plus en plus sophistiquées.

Franz avait toujours préféré son vieux fusil à verrou dont il fabriquait les munitions lui-même, dans la cuisine de son petit appartement. Il faisait fondre l’alliage de cuivre et de zinc, le coulait dans les moules. Projectile en plomb chemisé de cupronickel. Grains de poudre de fabrication maison. Un travail d’orfèvre qui lui prenait un temps fou mais, et Monsieur C. le savait bien, il était célibataire : du temps, il en avait.

Franz vint placer le nez du ministre au centre du réticule de son viseur optique. Il bloqua sa respiration et pressa la queue de détente. La tête ministérielle explosa comme une tomate blette qu’on jette contre un mur. « Un con de moins ». Sans se presser, il démonta son fusil, le rangea dans son étui. Disparut sans bruit, telle une pierre qui coule au fond d’un lac.


*

Quand et où cette organisation était née, personne ne le savait. Toutes les rumeurs couraient : en Suisse sous l’impulsion des francs-maçons, aux USA à l’initiative de Bill Gates, en France peu après le troisième mandat de Louis Sarkozy… Cela n’avait aucune importance. Franz en faisait partie car son père en faisait partie. Voilà tout. Il lui avait appris le métier, lui avait enseigné toutes les ficelles pour éliminer les cons. Car voilà de quoi retournait cette nébuleuse mondiale dont Monsieur C. n’était qu’un rouage et Franz un des centaines de milliers d’employés : une vaste entreprise à supprimer les cons.
Franz venait, à raison d’une dizaine de fois par an, chercher une liste de cons à éliminer. Et il les éliminait. Comment avaient-ils été choisis ? Chaque con à rayer de la surface de la Terre avait été validé par une des centaines de commissions dans le monde. Aux quatre coins de la planète, des groupes secrets de sept experts se réunissaient toutes les semaines pour établir trois listes de vingt noms. Chaque liste était coupée en cinq et attribuée à l’un des tueurs de l’organisation.
À l’aube du vingt-deuxième siècle, ce consortium devenu rapidement mondial, avait fait des merveilles au prix d’une nouvelle forme d’eugénisme discutable. Les premiers effets ne tardèrent pas. En France, dix ans après les premiers meurtres, BFM télé dut rendre l’antenne, faute d’audimat. TF1 lui emboîta le pas puis, suite à l’assassinat de son animateur vedette Cyril H., ce fut le tour de Direct 8. Le nombre d’ouvrages publiés à l’occasion de la rentrée littéraire fut divisé par vingt. Les stades de foot ne se vidèrent pas aussi vite que certains l’avaient annoncé mais l’ambiance fut de nouveau respirable, les femmes furent plus nombreuses à assister aux matchs, le football redevint ce qu’il aurait dû toujours être : un sport (dont les principaux acteurs, les joueurs, ne furent plus jamais interviewés après la rencontre). Facebook tenta de survivre en proposant des appareils électroménagers à acheter mais la chute des statuts débiles qui l’alimentaient à flux constant depuis quelques années se tarit et le géant d’Internet disparut aussi vite qu’il était apparu. Évidemment, le terrorisme fut éradiqué de la surface du globe en moins d’une décennie. Le nationalisme qui s’en nourrissait ne résista pas mieux.
Bien sûr, cette purge ne se fit pas sans casse. Tout le monde perdit un proche, un parent, une connaissance. Franz vit partir Michel, le gros con du café au bout de la rue qui affirmait que « le lobby juif contrôle la finance internationale. » Il pleura – pas longtemps – sa tante pour qui « les attentats du 11 septembre 2001 n’ont été qu’une énorme mise en scène et n’ont jamais eu lieu. »
La population mondiale diminua de moitié après cinquante ans, de trois quarts un petit siècle après le premier meurtre. La forêt amazonienne retrouva sa superficie du dix-huitième siècle, la couche d’ozone se referma, les glaciers se reformèrent. Le taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère chuta de façon drastique pour revenir à la normale (le GIEC fut dissous). Les exploitations pétrolières mirent la clé sous la porte les unes derrière les autres cédant la place aux champs d’éoliennes et de panneaux solaires. Le dernier gros con à rouler en ville dans un énorme 4x4 consommant vingt-quatre litres au cent kilomètres, un Californien nommé Harvey Grant, fut éliminé le 12 janvier 2056.
La Police, rapidement débordée par la multiplication de ces assassinats, n’abandonna pas pour autant. Elle concentra ses effectifs sur les cons les plus célèbres et/ou enquêta avec sérieux sur toutes les disparitions dont le mobile n’était pas limpide. Mais personne n’était dupe et certains tabloïds (de ceux qui avaient réussi à survivre en étoffant leur ligne éditoriale avec des articles sur la physique quantique ou l’analyse sartrienne du non-être) titraient même à chaque nouvelle disparition : « UN CON EN MOINS A LA SURFACE DE LA TERRE. »
C’était un monde différent. Sans cesse sur la sellette car, contrairement à ce qu’on aurait pu croire, il semblait impossible d’éliminer tous les cons, il en naissait chaque jour. Deux métiers avaient le vent en poupe : l’un légal, fossoyeur, l’autre un peu moins, tueur à gages. Et Franz avait choisi le second car son père lui avait transmis son savoir-faire.

*

Il avait atterri ce matin de Tokyo où il avait bataillé pour localiser puis éliminer le quatrième et dernier nom de sa liste. Il appuya sur le bouton deux cent quarante-trois. Vingt-six secondes. Portes automatiques. Secrétaire holographique. Monsieur C.
– Ah ! Franz ! Comment allez-vous ?
– Bien.
– Je ne vous attendais pas si tôt. Vous avez fait un excellent travail. Je vous en prie, asseyez-vous ! Whisky ? Vodka ? Huss ? Autre chose ?
– Rien. Merci.
Franz se laissa tomber dans le fauteuil. L’enveloppe sortit de l’accoudoir droit. Trois photos seulement.
– Producteur qui a succombé aux sirènes de l’audimat et proposé de remettre au goût du jour un vieux concept d’émission de télé-réalité ; universitaire ayant participé activement à l’élaboration du nouveau programme des classes de collèges et pour finir, Jacques Marantz… Le discours qu’il a tenu la semaine dernière sur la gestion des déchets nucléaires laissés par les générations précédentes est plutôt mal passé.
Franz se figea. Il observa attentivement la dernière photographie. L’homme qui se tenait droit devant le Parlement, costume gris, cravate rouille, large sourire, avait reçu trois fois le prix Nobel du Maintien de la Paix et deux fois celui de Littérature. Ingénieur de formation, il avait dans sa jeunesse, participé au programme spatial Moon 2070, qui avait vu l’implantation de la première centrale à fusion atomique sur la lune pour alimenter la Terre en électricité.
– Je…
– Je sais ! Il a parlé un peu vite et est revenu sur ses déclarations. Nous allons perdre un grand homme, c’est sûr ! C’est une décision à la con, que voulez-vous !
Franz releva la tête et fixa Monsieur C.
– Vous faites partie de la commission ? lança-t-il.
– Euh… Oui…, confirma Monsieur C.
– À ce titre, les décisions qu’elle prend sont aussi les vôtres ?
– Oui… Évidemment.
Monsieur C. percuta soudain. La panique déforma son visage quand il vit Franz dégainer son petit Walter PK en polymère qui ne le quittait jamais – car invisible aux détecteurs quels qu’ils fussent. Les trois projectiles en polyoxométhylène irradiés se fichèrent dans sa poitrine avant que Monsieur C. n’eût pu prononcer le moindre mot pour sa défense. Le sang qui coula sur la moquette déclencha le système d’entretien automatique. Une petite trappe s’ouvrit dans un coin de la pièce et libéra le robot aspirateur. Franz vint se placer au-dessus du cadavre de Monsieur C.
Il avait agi selon ses prérogatives : les cons sur la liste devaient être éliminés. Ainsi que tous les cons sur sa route. Son père le lui avait appris. « Un bon con est un con mort » telle était la devise de sa caste. Franz tiqua. La situation lui apparut clairement : les caméras avaient tout capté et l’ordinateur central avait déjà envoyé les images au poste de Police, non sans avoir transformé la bande-son pour que la conversation ne trahît pas les desseins de l’organisation. L’ADN de Franz était partout. La fuite impossible. Il avait réagi par réflexe. Trop vite.
– Mais quel con je fais ! S’exclama-t-il.
Sa phrase résonna dans le grand bureau. Au loin, il devina l’Atomium 2, maille hexagonale de néphéline agrandie cinq cents milliards de fois. Le petit drone surarmé surgit devant la baie vitrée et lança sa première sommation.
Franz posa le canon sur sa tempe.
Tous les cons sur sa route… Sans exception.



vendredi 10 février 2017

Sam délivre ses livres fête ses 1 an - Concours





Un an que je poste régulièrement sur ce blog mes avis de lectures, qui sont ni plus ni moins que mon ressenti à un moment précis. En aucun cas je ne me poserai en critique littéraire.
Sur mon chemin j'ai croisé plein de livres, de styles et thèmes différents, il en est ressorti des sentiments variables. En fonction du moment, j'ai été plus ou moins touchée par les écrits, je sais aussi que je suis passée à côté de quelques merveilles. 

J'espère que de votre point de vue, vous passez de bon moments à lire mes articles, que je vous donne envie de lire certaines de mes lectures.

Pour fêter dignement cet anniversaire, je vous propose un petit concours, ouvert au monde.

Pour participer:

Répondre à la question ci dessous à l'adresse suivante :
samdelivreseslivres@gmail.com
N'oubliez pas de me laisser vos coordonnées.

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  Par ici

Le lot sera envoyé par Mondial Relay pour la France, assurez vous d'en avoir un près de chez vous.

Parmi les coups de cœur de ce blog, quel article vous donne envie de lire le livre, et pourquoi ?

Le concours sera clôt le 28 février, un tirage au sort sera effectué parmi les réponses, 1 personne aura le plaisir de remporter le livre cité dans sa réponse, au format poche, si il est disponible, sinon ce sera le grand format.  Le résultat sera annoncé le samedi 4 mars.


Voici les liens vers les chroniques de ces coups de cœur, du plus récent au plus ancien.